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La conversion d’usufruit en rente viagùre

May 23, 2022
Team MCI

 

Face Ă  l’allongement de la durĂ©e de vie et suite Ă  une donation de biens en nue-propriĂ©tĂ© avec rĂ©serve d’usufruit au profit des donateurs, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de convertir un usufruit en rente viagĂšre, de maniĂšre Ă  permettre au nu-propriĂ©taire de devenir plein propriĂ©taire du BIEN grevĂ© d’usufruit, Ă  charge pour lui de verser une rente Ă  l’ancien usufruitier devenu crĂ©direntier.

Un certain nombre de questions se pose alors : quel doit ĂȘtre le montant de la rente ? Comment est traitĂ© civilement cette conversion ? Quelle fiscalitĂ© supporte ce type d’acte ? Y a-t-il un risque fiscal de procĂ©der de la sorte ?

rente (1)

 

1) Détermination du montant de la rente :

L'article 759 du Code civil, auquel on peut se rĂ©fĂ©rer Ă  titre supplĂ©tif, prĂ©voit que « tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prĂ©dĂ©cĂ©dĂ©, qu'il rĂ©sulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens Ă  venir, donne ouverture Ă  une facultĂ© de conversion en rente viagĂšre, Ă  la demande de l'un des hĂ©ritiers nus-propriĂ©taires ou du conjoint successible lui-mĂȘme ». L’article 760 du mĂȘme code prĂ©voit que la constitution d'une rente viagĂšre, dans cette hypothĂšse, doit garantir Ă  l'usufruitier le "maintien de l'Ă©quivalence". Il est simple de dĂ©terminer le montant originel de la rente viagĂšre constituĂ©e en contrepartie d'un usufruit viager. La rente initiale doit ĂȘtre du montant des fruits que l'usufruit procurait Ă  l'usufruitier : si ces fruits Ă©taient dĂ©jĂ  perçus, il suffit de fixer le montant de la rente initiale au montant des loyers auquel il est renoncĂ©, sous dĂ©duction des charges supportĂ©es par l’usufruitier. Si aucun loyer n’était perçu, il convient d’évaluer quel pourrait ĂȘtre le montant des loyers Ă  percevoir. Enfin, comme le texte prĂ©voit le « maintien » de l’équivalence initiale, la rente doit ĂȘtre indexĂ©e comme l’étaient les loyers perçus ou comme le seraient les loyers.

 

2) Traitement civil de cette rente :

Civilement, bien que prĂ©vue ab initio dans la donation, l’opĂ©ration de conversion d’un usufruit moyennant une rente dont la valeur est correctement fixĂ©e sera qualifiĂ©e d’opĂ©ration Ă  titre onĂ©reux.

Ainsi, il n’y a aucun risque civil de traitement liquidatif de cette conversion sous forme de rapport ou rĂ©duction (cette conversion ne sera donc pas prise en compte lors de la succession de l’usufruitier).

Plus dĂ©licat est le traitement fiscal de l’opĂ©ration.

 

3) D'un point de vue fiscal : 

    a) Les droit d'enregistrement supportés par le nu-propriétaire :

L’administration analyse la conversion de l’usufruit en rente viagĂšre en un complĂ©ment de donation avec charge, dĂšs lors qu’elle est effectuĂ©e en application d’une clause d’un acte de donation antĂ©rieure. Elle soumet donc cette conversion aux droits de mutation Ă  titre gratuit.

L’assiette des droits de mutation Ă  titre gratuit est constituĂ©e par une fraction de la valeur de la propriĂ©tĂ© entiĂšre, au jour de la conversion, dĂ©terminĂ©e conformĂ©ment au barĂšme prĂ©vu Ă  l’article 669 du CGI (BOI-ENR-DMTG-20-10-10 n° 170 ; BOI-ENR-DMTOI-10-10-10 n° 160).

Si la facultĂ© de conversion d’usufruit en rente viagĂšre ne rĂ©sulte pas d’une clause d’un acte de donation antĂ©rieure, l’opĂ©ration qui consiste Ă  substituer Ă  un usufruit le service d’une rente viagĂšre par le propriĂ©taire grevĂ© d’usufruit Ă  l’usufruitier est considĂ©rĂ©e par l’administration fiscale comme une mutation Ă  titre onĂ©reux de l’usufruit (BOI-ENR- DMTG-20-10-10-20190502 § 180).

Le seul droit fixe (125 €) n’est perçu que lorsque la conversion rĂ©sulte de la mise en Ɠuvre de l’article 759 du code civil.

 

   b) La fiscalité supportée par l'usufruitier : 

La rente viagĂšre constituĂ©e Ă  titre onĂ©reux constitue un revenu imposable Ă  l’impĂŽt sur le revenu (art. 79 et 158-6 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts). Le BOFIP ((BOI RSA PENS-10-40 § 30) prĂ©cise que constitue une rente viagĂšre Ă  titre onĂ©reux, la rente perçue par le conjoint survivant qui a procĂ©dĂ© Ă  la conversion de son usufruit.

L’impĂŽt n’est Ă©tabli par application du barĂšme progressif que sur une fraction de sa valeur. Cette fraction dĂ©pend de l’ñge du crĂ©direntier au jour de l’entrĂ©e en jouissance de la rente :

  • 70 %  si l'intĂ©ressĂ© est ĂągĂ© de moins de 50 ans ;
  • 50 %  s'il est ĂągĂ© de 50 Ă  59  ans inclus  ;
  • 40 %  s'il est ĂągĂ© de 60 Ă  69  ans inclus  ;
  • 30 %  s'il est ĂągĂ© de plus de   69 ans.

Les prélÚvements sociaux (17.2 % au total) sont également exigibles annuellement.

 

   c) Les éventuels risques fiscaux : 

  • Risques de requalification en donation indirecte :

DĂšs lors que le montant de la rente viagĂšre est correctement fixĂ©e et n’a pour but que de « maintenir l’équivalence », il n’y a aucun risque de requalification en donation indirecte.

  • Risques d’application de l’article 13-5 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts :

Pour rappel, l’article 13-5 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts dispose que «le produit rĂ©sultant de la premiĂšre cession Ă  titre onĂ©reux d'un mĂȘme usufruit temporaire ou, si elle est supĂ©rieure, la valeur vĂ©nale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cĂ©dant, personne physique ou sociĂ©tĂ© ou groupement qui relĂšve des articles 8 Ă  8 ter, dans la catĂ©gorie de revenus Ă  laquelle il se rattache, au jour de la cession ».

Cependant, la conversion de l’usufruit en rente viagĂšre a pour effet de rendre imposable la rente viagĂšre entre les mains du crĂ©direntier. Il parait donc difficile de considĂ©rer que l’opĂ©ration participe d’un montage permettant aux parents de percevoir indirectement le prix de l’usufruit qu’ils auraient cĂ©dĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© en exonĂ©ration de plus value pour taxer l’opĂ©ration au titre de l’article 13-5 du CGI.

 

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