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Face Ă lâallongement de la durĂ©e de vie et suite Ă une donation de biens en nue-propriĂ©tĂ© avec rĂ©serve dâusufruit au profit des donateurs, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de convertir un usufruit en rente viagĂšre, de maniĂšre Ă permettre au nu-propriĂ©taire de devenir plein propriĂ©taire du BIEN grevĂ© dâusufruit, Ă charge pour lui de verser une rente Ă lâancien usufruitier devenu crĂ©direntier.
Un certain nombre de questions se pose alors : quel doit ĂȘtre le montant de la rente ? Comment est traitĂ© civilement cette conversion ? Quelle fiscalitĂ© supporte ce type dâacte ? Y a-t-il un risque fiscal de procĂ©der de la sorte ?
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1) Détermination du montant de la rente :
L'article 759 du Code civil, auquel on peut se rĂ©fĂ©rer Ă titre supplĂ©tif, prĂ©voit que « tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prĂ©dĂ©cĂ©dĂ©, qu'il rĂ©sulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens Ă venir, donne ouverture Ă une facultĂ© de conversion en rente viagĂšre, Ă la demande de l'un des hĂ©ritiers nus-propriĂ©taires ou du conjoint successible lui-mĂȘme ». Lâarticle 760 du mĂȘme code prĂ©voit que la constitution d'une rente viagĂšre, dans cette hypothĂšse, doit garantir Ă l'usufruitier le "maintien de l'Ă©quivalence". Il est simple de dĂ©terminer le montant originel de la rente viagĂšre constituĂ©e en contrepartie d'un usufruit viager. La rente initiale doit ĂȘtre du montant des fruits que l'usufruit procurait Ă l'usufruitier : si ces fruits Ă©taient dĂ©jĂ perçus, il suffit de fixer le montant de la rente initiale au montant des loyers auquel il est renoncĂ©, sous dĂ©duction des charges supportĂ©es par lâusufruitier. Si aucun loyer nâĂ©tait perçu, il convient dâĂ©valuer quel pourrait ĂȘtre le montant des loyers Ă percevoir. Enfin, comme le texte prĂ©voit le « maintien » de lâĂ©quivalence initiale, la rente doit ĂȘtre indexĂ©e comme lâĂ©taient les loyers perçus ou comme le seraient les loyers.
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2) Traitement civil de cette rente :
Civilement, bien que prĂ©vue ab initio dans la donation, lâopĂ©ration de conversion dâun usufruit moyennant une rente dont la valeur est correctement fixĂ©e sera qualifiĂ©e dâopĂ©ration Ă titre onĂ©reux.
Ainsi, il nây a aucun risque civil de traitement liquidatif de cette conversion sous forme de rapport ou rĂ©duction (cette conversion ne sera donc pas prise en compte lors de la succession de lâusufruitier).
Plus dĂ©licat est le traitement fiscal de lâopĂ©ration.
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3) D'un point de vue fiscal :Â
  a) Les droit d'enregistrement supportés par le nu-propriétaire :
Lâadministration analyse la conversion de lâusufruit en rente viagĂšre en un complĂ©ment de donation avec charge, dĂšs lors quâelle est effectuĂ©e en application dâune clause dâun acte de donation antĂ©rieure. Elle soumet donc cette conversion aux droits de mutation Ă titre gratuit.
Lâassiette des droits de mutation Ă titre gratuit est constituĂ©e par une fraction de la valeur de la propriĂ©tĂ© entiĂšre, au jour de la conversion, dĂ©terminĂ©e conformĂ©ment au barĂšme prĂ©vu Ă lâarticle 669 du CGI (BOI-ENR-DMTG-20-10-10 n° 170 ; BOI-ENR-DMTOI-10-10-10 n° 160).
Si la facultĂ© de conversion dâusufruit en rente viagĂšre ne rĂ©sulte pas dâune clause dâun acte de donation antĂ©rieure, lâopĂ©ration qui consiste Ă substituer Ă un usufruit le service dâune rente viagĂšre par le propriĂ©taire grevĂ© dâusufruit Ă lâusufruitier est considĂ©rĂ©e par lâadministration fiscale comme une mutation Ă titre onĂ©reux de lâusufruit (BOI-ENR- DMTG-20-10-10-20190502 § 180).
Le seul droit fixe (125 âŹ) nâest perçu que lorsque la conversion rĂ©sulte de la mise en Ćuvre de lâarticle 759 du code civil.
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  b) La fiscalitĂ© supportĂ©e par l'usufruitier :Â
La rente viagĂšre constituĂ©e Ă titre onĂ©reux constitue un revenu imposable Ă lâimpĂŽt sur le revenu (art. 79 et 158-6 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts). Le BOFIP ((BOI RSA PENS-10-40 § 30) prĂ©cise que constitue une rente viagĂšre Ă titre onĂ©reux, la rente perçue par le conjoint survivant qui a procĂ©dĂ© Ă la conversion de son usufruit.
LâimpĂŽt nâest Ă©tabli par application du barĂšme progressif que sur une fraction de sa valeur. Cette fraction dĂ©pend de lâĂąge du crĂ©direntier au jour de lâentrĂ©e en jouissance de la rente :
- 70 % si l'intéressé est ùgé de moins de 50 ans ;
- 50 % s'il est ùgé de 50 à 59 ans inclus ;
- 40 % s'il est ùgé de 60 à 69 ans inclus ;
- 30 % s'il est ùgé de plus de  69 ans.
Les prélÚvements sociaux (17.2 % au total) sont également exigibles annuellement.
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  c) Les Ă©ventuels risques fiscaux :Â
- Risques de requalification en donation indirecte :
DĂšs lors que le montant de la rente viagĂšre est correctement fixĂ©e et nâa pour but que de « maintenir lâĂ©quivalence », il nây a aucun risque de requalification en donation indirecte.
- Risques dâapplication de lâarticle 13-5 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts :
Pour rappel, lâarticle 13-5 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts dispose que «le produit rĂ©sultant de la premiĂšre cession Ă titre onĂ©reux d'un mĂȘme usufruit temporaire ou, si elle est supĂ©rieure, la valeur vĂ©nale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cĂ©dant, personne physique ou sociĂ©tĂ© ou groupement qui relĂšve des articles 8 Ă 8 ter, dans la catĂ©gorie de revenus Ă laquelle il se rattache, au jour de la cession ».
Cependant, la conversion de lâusufruit en rente viagĂšre a pour effet de rendre imposable la rente viagĂšre entre les mains du crĂ©direntier. Il parait donc difficile de considĂ©rer que lâopĂ©ration participe dâun montage permettant aux parents de percevoir indirectement le prix de lâusufruit quâils auraient cĂ©dĂ© Ă la sociĂ©tĂ© en exonĂ©ration de plus value pour taxer lâopĂ©ration au titre de lâarticle 13-5 du CGI.
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